Vers de nouveaux étalons de pression statique
via une méthode optique

Les incertitudes de mesure dans le domaine des pressions statiques absolues inférieures à quelques kilopascals se dégradent de manière significative en raison de l’absence d’étalon primaire performant dans cette gamme de pression. Par ailleurs, encouragés par les nouvelles définitions du Système international d’unités (SI), de nombreux laboratoires nationaux de métrologie travaillent activement sur des étalons primaires de pression basés sur des lois fondamentales ou des constantes de la physique. Le LNE-CNAM a développé une méthode optique basée sur un réfractomètre de type Fabry-Perot avec pour objectif de devenir à termes un nouvel étalon de pression.

L’unité de pression et sa réalisation actuelle

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Référence nationale de pression
Référence nationale de pression

L’unité de pression – le pascal – repose actuellement sur une définition basée sur des grandeurs mécaniques.  Le pascal (Pa) est la pression engendrée par une force de 1 N uniformément répartie sur une surface de 1 m2.

Sa réalisation pratique peut-être réalisée à partir de deux instruments :

  • Le premier est le manomètre à colonne de liquide qui consiste à équilibrer la pression à mesurer par une colonne de fluide dont on mesure la hauteur. De par, l’utilisation de mercure dangereux et toxique, et sa sensibilité à la température, cet instrument est de moins en moins utilisé ; il n’est plus utilisé au LNE depuis 2002.
  • Le second est la balance de pression, qui consiste à équilibrer la force engendrée par la pression appliquée sur une surface d'un ensemble piston-cylindre et la force gravitationnelle engendrée par des masses soumises à l’action de pesanteur. Les performances de ce type d'étalon sont remarquables pour les pressions supérieures à quelques kilopascals.

Enjeux et besoins

Les performances de ces deux instruments restent inchangées depuis quelques décennies et souffrent de limitations pratiques et environnementales. Le Comité consultatif des masses et quantités associées (CCM) et le comité technique d’Euramet TC-M ont identifié l’importance de surmonter ces limitations qui profitera autant à la communauté scientifique (nouvelle voie de traçabilité du pascal, normalisation) qu’aux industriels (étalonnages automatisés dans une large gamme de pression permettant un gain de temps).

Depuis 2019, les projets européens QuantumPascal [1] « Towards quantum-based realisations of the pascal » et la suite MQB-Pascal « Metrology for quantum-based traceability of the pascal » visent à développer de nouveaux étalons de pression primaire basés sur des méthodes optiques, hyperfréquences (via une cavité quasi sphérique supraconductrice développé par la métrologie française [2]), diélectriques et spectroscopiques couvrant une large gamme de pression comprise entre 1 Pa et 3 MPa tout en réduisant sensiblement les incertitudes. Les principaux laboratoires de métrologie européens qui participent à ces deux projets : PTB (Allemagne, coordination), LNE et LNE-Cnam (France), CEM associé à l’université de Madrid (Espagne), INRiM (Italie), RISE associé à l’université d’Umeå (Suède), IMT associé à l’université de Maribor (Slovénie) et CMI (République Tchèque).

La réfractométrie pour la mesure de la pression absolue [3]

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Cavité Fabry Perot LNE-CNAM
Cavité Fabry-Perot du LNE-CNAM. La cavité d’une dimension de 50 x 50 mm est constitué d’un barreau en Zerodur et de deux miroirs en silice. Crédits photo CNAM

La réfractométrie est une technique optique de mesure de l’indice de réfraction d’un gaz avec une incertitude relative meilleure que 10-8 ; elle remplacera sans doute à terme les méthodes dites « conventionnelles » dans la gamme de pressions comprise entre 1 Pa et 105 Pa. Un réfractomètre de type Fabry-Perot est en cours de développement au LNE-CNAM depuis quelques années ; il se base sur une définition thermodynamique de l’unité de pression et est directement traçable au SI.

Ce nouvel étalon peut être utilisé en mode absolu c’est à dire en partant du vide comme référence et en mesurant la variation de fréquence d’un laser à 532 nm asservi sur la cavité en Zerodur (ce matériau possède une très faible dilatation thermique) entre le vide et une pression à mesurer. La variation de fréquence permet de déduire la variation d’indice du gaz et donc sa variation de pression, si on mesure la température thermodynamique du gaz à mieux que le millikelvin, puisque l’on connait la dépendance de l’indice du gaz avec sa pression et sa température (équation de Lorentz-Lorenz). Cette connaissance est ab initio dans le cas de l’hélium. L’incertitude relative visée est de l’ordre de 5 × 10-4 entre 1 Pa et 1 kPa et de 5 × 10-5 entre 1 kPa et 100 kPa.

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Vue 3D d'un réfractomètre LNE-CNAM
Vue 3D du réfractomètre du LNE-CNAM
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Réfractomètre LNE-CNAM
Photo du réfractomètre du LNE-CNAM. Crédits photo CNAM.

Une autre méthode consiste à utiliser le réfractomètre en mode relatif. Dans ce cas, l’état de référence est le gaz à une pression proche de la pression atmosphérique mesurée avec une référence de pression conventionnelle (connue avec une incertitude meilleure que 10-5). On mesure ensuite la variation de fréquence du laser entre cette pression de référence et une pression proche du pascal. Il n’est pas nécessaire de mesurer la température thermodynamique du gaz, seule compte la différence de température entre les deux points de mesure. La traçabilité de l’étalon dans ce cas est donnée par la balance de pression pour la valeur absolue et par les paramètres atomiques du gaz pour la variation de pression.

 

 


[1] Site web du projet Quantum Pascal

Publications

[2] P. Gambette, « Vers un étalon quantique pour des mesures absolues de pression », Thèse de doctorat du Conservatoire national des arts et métiers, Soutenu le 15 décembre 2021, https://theses.hal.science/tel-03652344

[3] Z. Silvestri, D. Bentouati, P. Otal et J.-P. Wallerand, « Towards an improved helium-based refractometer for pressure measurements », Acta IMEKO, Vol 9, No 5 (2020), http://dx.doi.org/10.21014/acta_imeko.v9i5.989

J. Zakrisson, I. Silander, C. Forssén, Z. Silvestri, D. Mari, S. Pasqualin, A. Kussicke, P. Asbahr, T. Rubin et O. Axner, « Simulation of pressure-induced cavity deformation – the 18SIB04 QuantumPascal EMPIR project », Acta IMEKO, Vol 9, No 5 (2020), http://dx.doi.org/10.21014/acta_imeko.v9i5.985

Communications

T. Rubin, I. Silander, C. Forssén, J. Zakrisson, E. Amer, D. Szabo, T. Bock, A. Kussicke, C. Günz, D. Mari, R. M. Gavioso, M. Pisani, D. Madonna Ripa, Z. Silvestri, P. Gambette, D. Bentouati, G. Garberoglio, M. Lesiuk, M. Przybytek, B. Jeziorski, J. Setina, M. Zelan, O. Axner, « Quantum-based realizations of the pascal. Status and progress of the empir-project QuantumPascal », Joint IMEKO TC3, T5, TC16 and TC22 International Conference, Octobre 2022, Cavtat-Dubrovnik, doi: 10.21014/tc16-2022.103. Présentation orale.

C. Forssén, I. Silander, J. Zakrisson, E. Amer, D. Szabo, T. Bock, A. Kussicke, T. Rubin, D. Mari, S. Pasqualin, Z. Silvestri, D. Bentouati, O. Axner, M. Zelan, « Circular comparison of conventional pressure standards using a transportable optical refractometer: preparation and transportation », Joint IMEKO TC3, T5, TC16 and TC22 International Conference, Octobre 2022, Cavtat-Dubrovnik, doi: 10.21014/tc16-2022.137. Présentation orale.

P. Gambette, R. M. Gavioso, D. Madonna Ripa, M. D. Plimmer et L. Pitre, « Vers un étalon quantique pour des mesures de pression absolue de 200 Pa à 20 kPa basé sur une cavité hyperfréquence supraconductrice », C2i 2019 : 8ème Colloque Interdisciplinaire en Instrumentation, Talence, Janvier 2019. Présentation orale.

P. Gambette, R. M. Gavioso, D. Madonna Ripa, M. D. Plimmer et L. Pitre, « Vers un nouvel étalon de pression dans la gamme 200 Pa -20 kPa utilisant une cavité micro-onde », Congrès international de métrologie CIM 2019, Paris, Septembre 2019. Présentation orale.