La température est une des grandeurs les plus répandues au quotidien et sa mesure intervient dans d’innombrables processus industriels. Unité de base pour le domaine de la température, le kelvin, noté K, était défini depuis son introduction dans le Système international d’unités (SI) sur une propriété intrinsèque de la matière : le point triple de l’eau. Difficile à mettre en œuvre, et peu pratique pour les températures extrêmes (inférieures à 20 K ou supérieures à 1 300 K), le kelvin a été redéfini en 2018.

Carte d'identité du kelvin

Logo SI - kelvinDéfinition officielle (2018 – 26e CGPM)

Symbole : K

Grandeur : température thermodynamique

Unités dérivées du kelvin : degré Celsius, watt par mètre kelvin, mètre carré kelvin par watt, joule par kelvin

Le kelvin, du point triple de l’eau à la constante de Boltzmann

Cellule point triple de l’eau
Cellule point triple de l’eau

Unité de température thermodynamique, le kelvin a été introduit dans le SI en 1954 lors de la 10ème Conférence générale des poids et mesures (CGPM). Il a été défini à partir d’une propriété fondamentale d’un constituant de la matière, la température du point triple de l’eau (point unique où l’eau coexiste sous forme liquide, gazeuse et solide), tel que : « Le kelvin, unité de température thermodynamique, est la fraction 1/273,16 de la température thermodynamique du point triple de l'eau ». Cependant, la mise en pratique de cette définition reposait de fait sur un artefact, la réalisation d’une cellule au point triple de l’eau, dont la définition et les spécifications ont évolué dans le temps, avec une incertitude de réalisation non négligeable.

En conséquence, alors que des instruments de haute résolution existent depuis longtemps, il est impossible avec cette définition, de tracer, sur le plan historique, des variations de température inférieure à 2 mK sur quelques décennies. A l’heure où, par exemple, la climatologie suppose des mesures précises de température et des séries longues dans le temps et sur la totalité du globe terrestre, ces limitations liées à un artefact matériel sont donc très pénalisantes.

Pour y remédier, il fallait s’affranchir des caractéristiques macroscopiques d’un corps, ici l’eau, au profit d’une définition universelle. D’où la proposition de la CGPM de fonder le kelvin sur la définition microscopique de la température : à savoir la mesure de l’agitation thermique des atomes d’un corps, indépendante de la nature chimique de ses constituants, agitation thermique reliée à la température via la constante de Boltzmann, notée k.

Définition proposée pour la redéfinition du kelvin en novembre 2018

Logo SI - kelvin

 

Le kelvin, K, est l'unité thermodynamique de température ; sa valeur est définie en fixant la valeur numérique de la constante de Boltzmann à exactement 1,380 649 × 10−23 X quand elle est exprimée en s−2 m2 kg K−1, ce qui correspond à des J K−1

 

 

« Pourquoi redéfinir le kelvin ? Pour quels bénéfices ? »

Le thermomètre acoustique pour redéfinir le kelvin

Pour déterminer la valeur de la constante de Boltzmann, les scientifiques du Laboratoire commun de métrologie LNE-Cnam/LCM ont proposé un dispositif original appelé thermomètre acoustique quasi sphérique. Son principe ? Mesurer la vitesse du son dans un gaz placé dans une enceinte quasi sphérique à la température du point triple de l’eau. Celle-ci est en effet directement reliée à la définition du kelvin de 1968. Cette expérience délicate a nécessité une dizaine d’années de développement.

Thermomètre acoustique du LNE-Cnam/LCM utilisé pour déterminer la valeur de la constante de Boltzmann, k
Thermomètre acoustique du LNE-Cnam/LCM utilisé pour déterminer la valeur de la constante de Boltzmann, k

À la clé, une manip à l’exactitude record, ayant livré, en 2017 une valeur de la constante de Boltzmann avec une incertitude relative de 0,57x10-6, inférieure d’un facteur trois à l’état de l’art antérieur. Si bien que la valeur obtenue par les physiciens du laboratoire français contribue pour 55 % de la valeur de k, retenue dans le cadre de la refonte du Système international en novembre 2018 (ces 55% correspondent à la moyenne pondérée de l’ensemble des valeurs obtenues par les différents laboratoires nationaux de métrologie dans le monde impliqués dans cette mesure, et retenues par le CODATA).

Une fois le kelvin redéfini, les températures seront mesurables avec une incertitude pouvant être meilleure que la partie par million de manière pérenne sur l’ensemble de l’échelle de température. Et ce du (presque) zéro absolu jusqu’à plusieurs milliers de degrés Celsius. Une révolution à laquelle les chercheurs français du LNE-Cnam ont apporté une contribution majeure.

« Les perspectives offertes pas la nouvelle définition du kelvin »

Mettre en œuvre le nouveau kelvin

Au-delà de cette redéfinition, à l’impact économique très important puisque la température est mesurée dans 80 % des processus industriels, il sera nécessaire de réaliser la mise en œuvre de la nouvelle définition du kelvin, et d’assurer une bonne traçabilité métrologique aux mesures de température.

Actuellement, ces mesures sont traçables à l’aide de deux échelles : l’échelle internationale de température de 1990 (EIT-90) et l’échelle provisoire pour les basses températures de 2000 (EPBT-2000) en dessous d’1 K. Celles-ci ont une base empirique, et reposent sur une série de points fixes dont les températures ont été déterminées a priori par des méthodes primaires. Il est donc nécessaire de les améliorer.

Pour les hautes températures, le projet européen InK (Implementing the new kelvin 2012-2015), auquel le LNE-Cnam (LCM) a participé, a notamment concerné la détermination de la température thermodynamique de points fixes de haute température supérieure à celle de la congélation du point du cuivre (1 084,62 °C), qui est actuellement le dernier point fixe de l’EIT-90. Le projet a également porté sur la dissémination de la température thermodynamique à haute température. Les résultats ont été publiés, le 22 février 2016, dans la revue Philosophical Transactions of the Royal Society. Pour les basses températures, les équipements Boltzmann, qui ont servi à la redéfinition du kelvin, ont été exploités pour une mesure de la différence entre l’EIT-90 et la température thermodynamique.

L’objectif général de ce projet étant d’apporter les fondements d’une thermométrie primaire, en complément des échelles de température basées sur des points fixes.

Conférence "Le kelvin : de l'artefact à la constante de Boltzmann"